LA SAINTE-BAUME DANS LA LUMIÈRE DE MARIE-MADELEINE

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Patrick Berlier - regardsdupilat.free.fr

Dans la légendaire histoire de sainte Marie-Madeleine, la Sainte-Baume en Provence, à l’est de Marseille, tient une place à part. C’est là que celle qui fut l’une des fidèles de Jésus, et qui l’accompagna jusqu’à la croix, aurait terminé ses jours. Depuis huit siècles, les fidèles vénèrent les reliques de Marie-Madeleine, dans une crypte de la basilique de Saint-Maximin.

Un visage a été donné à Marie-Madeleine à partir du crâne supposé lui appartenir, exposé dans la basilique de Saint-Maximin. Photo DR.

 

Mais le crâne exposé dans son reliquaire doré, est-il bien celui de ce personnage de l’Évangile, considéré comme l’un des plus proches du Christ?

Le mystère demeure. Cependant, les progrès de la science médico-légale ont permis de reconstituer un visage à partir de ce crâne.

Le Dr Philippe Charlier, spécialiste en paléopathologie - cette médecine appliquée aux cadavres anciens - accompagné de chercheurs, a réalisé en une nuit quelque 500 photographies, avec un degré d’écart entre chacune d’elles.

Une tâche difficile dans la mesure où ils n’ont pas eu l’autorisation d’ouvrir le reliquaire.

Modélisé en 3D par un portraitiste judiciaire

Philippe Froesch, portraitiste judiciaire, a ensuite modélisé en 3D la surface du crâne.

Puis, se basant sur les quelques éléments connus depuis des analyses effectuées par le CNRS en 1974 - sexe féminin, décès à l’âge de 50-55 ans, probablement de petite taille - il a reconstitué les pommettes, les yeux, le nez...

Ne restaient plus que les sourcils et les cheveux à poser sur ce crâne pour terminer le portrait-robot. Pour cela, ils ont étudié une mèche conservée elle aussi dans un reliquaire.

Elle a pu être observée au microscope.

Cette couleur n’est peut-être pas celle d’origine. L’étude au binoculaire a fait apparaître de l’argile sur ces quelques cheveux. 

"Une comparaison de l’argile avec des prélèvements dans la grotte de la Sainte-Baume à Plan-d’Aups dans le Var, où Marie-Madeleine aurait vécu en ermite, semble écarter l’hypothèse d’une même origine. Cependant, l’usage de l’argile à des fins antiparasitaires et de support de teinture est bien connu au Proche Orient, dès l’Antiquité" explique l’abbé Stéphane Morin, archiviste du diocèse de Fréjus-Toulon.

Quoi qu’il en soit, le résultat révèle le visage d’une femme de type méditerranéen, à la longue chevelure d’un blond vénitien, plutôt originaire du Proche-Orient.

Des reliques éparpillées à la Révolution

Le crâne supposé appartenir à Marie -Madeleine. Photo Hélène Dos Santos.

Les reliques de Marie-Madeleine ont été retrouvées en 1279 par Charles II d’Anjou, dans l’église - qui deviendra la basilique de Saint-Maximin - édifiée à l’endroit même où elle a été inhumée.

Elles ont été éparpillées notamment au moment de la Révolution, pour être mises à l’abri. En effet, les reliquaires ont été confisqués et certains ont sans doute été fondus pour en faire des armes.

Dans la basilique de Saint-Maximin, une partie des reliques de Marie-Madeleine a pu retrouver "un écrin" sous le Second Empire.

C’est celui dans lequel on peut les observer encore aujourd’hui. Y sont également exposées celles supposées de sa sœur sainte Marthe, et de son frère saint Lazare.

Marie-Madeleine et la Sainte Baume

La connaissance que nous avons de Marie-Madeleine repose, d’une part sur les maigres indications des Évangiles, et d’autre part sur le récit merveilleux qu’en fit Jacques de Voragine dans sa célèbre Légende Dorée. Archevêque de Gênes au XIIIe siècle, il composa avant 1264 cet ouvrage dans lequel il conte la vie des principaux saints de la chrétienté.

Le mot « légende » ne signifie pas qu’il s’agisse d’un récit merveilleux, ce terme doit être pris dans le sens du mot latin legenda : « ce qui doit être lu ». Autrement dit c’est le sens second du mot légende : une explication ajoutée à un dessin, un plan, etc. Cette légende est « dorée » car écrite avec l’or le plus pur de la parole divine. Jacques de Voragine raconte les vies des saints comme s’il en avait lui-même été le témoin. Il exalte leurs destinées exemplaires d’où il ressort, en filigrane, le combat de Dieu contre le Mal. La Légende Dorée a servi de support aux prédicateurs, durant plusieurs siècles. Aujourd’hui le livre a évidemment perdu de sa céleste puissance, mais reste un récit au charme suranné. Il est d’ailleurs toujours édité : La Légende Dorée est disponible en deux volumes dans la collection GF-Flammarion, traduction de J.-B. M. Roze.

Début de La Légende Dorée
(Manuscrit du XIVe siècle, Bibliothèque Nationale)

Jacques de Voragine nous explique d’abord que Marie-Madeleine appartenait à une famille descendante de la race royale, et particulièrement riche :

« Marie possédait en commun avec Lazare, son frère, et Marthe, sa sœur, le château de Magdalon, situé à deux milles de Génézareth, Béthanie qui est proche de Jérusalem, et une grande partie de Jérusalem. Ils se partagèrent cependant leurs biens de cette manière : Marie eut Magdalon d’où elle fut appelée Magdeleine, Lazare retint ce qui se trouvait à Jérusalem, et Marthe posséda Béthanie. »

Pour la suite de l’histoire, Jacques de Voragine ne fait que répéter ce que disent par ailleurs les Évangiles : Marie-Madeleine venant laver les pieds de Jésus et les inondant de ses larmes, les séjours de Jésus à Béthanie durant lesquels Marie passe son temps à l’écouter, la résurrection de Lazare, l’amour fidèle que porte Marie-Madeleine à Jésus, sa présence au pied de la croix, et sa visite au tombeau où elle fut la première à qui Jésus ressuscité apparut.